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L’impact du numérique dans l’art : une empreinte sociale [3/4]

Troisième partie d’une étude menée par Laura-Lou Rey, del’éveilleur SCOP, jeune société coopérative implantée à Avignon.

Pendant que certains professionnels se questionnent sur le maintien ou l’abandon des outils numériques déjà mis en place, un nouveau public se développe sur les supports numériques. D’ailleurs, 72% des structures interrogées, selon le rapport du TMNlab, considèrent que le numérique est arrivé pour répondre aux évolutions des pratiques des publics.

Les professionnels et les publics s’entraînent, chacun leur tour, dans la spirale du numérique, tantôt portés par les nouvelles offres, tantôt en demande de nouveaux services… Ils sont de plus en plus « connectés ».

Suite de notre tour d’horizon !

Une nouvelle culture, celle du numérique

Nous entendons depuis quelques années parler d’une « culture numérique », une notion employée pour expliquer que l’évolution de nos pratiques culturelles est fortement imprégnée de numérique. La culture numérique est technique, économique, pratique, sociale, éducationnelle, communicationnelle et critique, selon Louis Derrac, consultant et formateur indépendant.

La transformation numérique permettrait de nouvelles opportunités de démocratisation culturelle, la création de nouveaux liens avec les publics, entre la culture et d’autres secteurs professionnels, notamment celui du champ social. Ainsi, le numérique offre la possibilité aux acteurs professionnels de créer des ponts entre les secteurs, d’agir dans la vie réelle et d’aller chercher de nouveaux publics en favorisant le dialogue avec toutes et tous.

Mais qu’en est-il des publics ? Certes, le numérique permet de relier, de créer, voire de conserver un lien ; il permet de donner aux publics accès à des contenus qu’ils pourront alors s’approprier, partager, rendre viraux, mais qui en sont les bénéficiaires ?

Alors que nous parlons de la création de nouveaux liens, connaissons-nous réellement ce nouveau public touché ? Est-il réellement question de « démocratisation culturelle » ?

Olivier Donnat, sociologue au ministère de la Culture en 2018, se confiait à Michel Guerrin dans une chronique culture du journal Le Monde, le 27 octobre 2018 : « Le numérique, porté par les algorithmes et les réseaux sociaux, ouvre le goût de ceux qui ont une appétence à la culture, mais ferme le goût des autres […]. Le numérique produit les mêmes effets que les équipements proposés par l’État : ce sont les milieux aisés et cultivés qui en profitent. »

Une fracture numérique sociale

La fracture numérique désigne les inégalités d’accès et d’usage ; c’est un réel handicap dans une société toujours plus numérisée.
Selon Adel Ben Youssef : « on distingue essentiellement quatre versions […] de la fracture numérique dans la littérature économique. La première consiste à comprendre les inégalités économiques et sociales liées à l’accès aux équipements et aux infrastructures. La seconde attribue les fractures numériques aux usages liés aux TIC*. Les inégalités liées aux TIC dépendent des usages qui sont faits par les individus et par les groupes sociaux. La troisième concerne l’efficacité des usages. En d’autres termes, pour des taux d’équipement identiques, certaines nations, individus augmentent leurs performances plus rapidement que d’autres. La quatrième définition renvoie davantage aux modalités d’apprentissage dans une économie fondée sur la connaissance. Dès lors que l’information et les connaissances deviennent abondantes, les TIC pourraient être à l’origine de nombreuses inégalités liées aux modifications des processus d’apprentissage et par conséquent aux performances associées. »


*TIC : technologies de l’information et de la communication

En France, selon l’INSEE en 2019, l’illectronisme touche 17% de la population, terme créé par la contraction des mots : « illettrisme » et « électronique ». Cela signifie que plus d’un quart de la population peine à utiliser un smartphone, un ordinateur, une tablette, naviguer sur internet, et faire valoir ses droits. Aujourd’hui, à l’heure où le tout numérique s’accélère dans les services publics et privés, il y a 3 français sur 5 laissés sur le bord de la route selon un rapport du 17 septembre 2020, publié par le Sénat. Certains subissent même une double peine, car en France, 20% de la population est en situation de handicap, dont 1,5 millions de déficients visuels. Cette situation est source d’humiliation, de colère pour celles et ceux qui la vivent et qui voient s’aggraver les difficultés d’insertion.

Les structures culturelles doivent agir en faveur de l’inclusion et de l’accessibilité numérique. Ces missions devraient être intégrées dans la stratégie globale de leurs organisations, au sein leurs communication interne et externe autant que dans leurs outils ; davantage encore si elles choisissent de développer des actions culturelles en ligne.

D’après l’étude du TMNlab, il semblerait que seulement 13% des structures culturelles questionnées répondent totalement aux normes d’accessibilité du web (voir le Référentiel général d’amélioration de l’accessibilité), 33% d’entre elles déclarent « ne pas savoir », 14% déclarent ne rien mettre en place concernant ce sujet, 14% « non mais c’est prévu » et 27% « oui partiellement ».

Les organisations manquent de temps, de compétences, d’informations sur les technologies, les outils et méthodes pour arriver à l’inclusion numérique et pour rendre accessibles leurs supports web.

Il est nécessaire que nous prenions en considération les besoins de tous les publics dans l’élaboration des offres culturelles en ligne.
Des solutions existent : le référentiel RGAA, des initiatives telles qu’Emmaüs connect, des accompagnements dans les tiers-lieux et Fablab, … et si nous allions plus loin ?

Des technologies numériques en faveur de l’accessibilité

Les technologies numériques permettent de déployer des nouveaux dispositifs favorisant l’accessibilité des publics en situation de handicap dans les lieux culturels : les lunettes de surtitrage individuel ou collectif ; l’audiodescription (applicable sur les supports numériques

en ligne également) ; le dispositif vibrant individuel (ex : SubPac / sac à dos) ou collectif (ex : plancher vibrant) ; la boucle magnétique dans les espaces d’accueil, la boucle magnétique individuelle en salle ; le service numérique d’aide à la mobilité et les audioguides d’accessibilité.

Malheureusement, le déploiement de ces outils est encore trop faible, l’audiodescription et le surtitrage étant les pratiques les plus courantes dans les lieux interrogés.

Agir pour des transitions…


Ces dernières années, le besoin de réunir le public a encouragé les structures culturelles à développer leurs offres en ligne. Ainsi, ces offres particulières doivent prendre en compte des enjeux de la transformation numérique, tout en portant des valeurs de solidarité et d’inclusion, d’horizontalité, de partage, d’intelligence collective, en faveur des droits culturels.

Il n’y a plus de doute sur la nécessité de faire évoluer nos pratiques numériques afin de les rendre socialement plus justes, plus solidaires. C’est probablement en recherchant un équilibre entre numérique et présentiel que nous pourrons évoluer vers un modèle plus responsable.

À suivre…

Laura-Lou Rey